Ils sont des milliers de cadres, toutes compétences confondues, à mettre les voiles pour monnayer leurs talents. Des médecins surtout, des ingénieurs, des gestionnaires, des chercheurs et enseignants, des sportifs, des artistes et enfin des juges maintenant. La liste est encore longue : la Tunisie se vide à un rythme infernal et dangereux de sa matière grise. Des ressources humaines de qualité qui ont coûté cher à la communauté et à la nation en termes d’éducation et d’enseignement et qui, en un simple geste, s’évadent et partent pour exercer à l’étranger. C’est la vie dit-on, l’émigration est un phénomène social mondial, c’est aussi la loi du marché avec une offre et une demande qui régulent la mobilité des compétences. Mais c’est surtout la faillite totale d’un système d’emploi et de pratiques publiques qui tuent l’initiative et bradent la qualité des ressources humaines. Il est certes réjouissant de voir que nos compétences sont si demandées à l’international dans tous les domaines, mais en même temps, nous sommes en train de perdre de plus en plus de cadres qui donnaient de la valeur ajoutée et étaient promus à de belles carrières. Ce n’est pas propre au secteur public, le privé ne satisfait plus ces jeunes et moins jeunes compétences qui se ruent vers l’étranger même si là-bas aussi sévit une profonde crise économique et de valeurs. Alors pourquoi cet exode massif? Tout simplement parce qu’on ne donne aucune considération à ces compétences mal rénumérées, marginalisées dans l’échelle des responsabilités au profit d’autres personnes moins compétentes, mais plus « loyales », et ignorées par l’Etat dans les programmes de formation. Outre la médiocrité qui règne partout, ces compétences étouffent et cherchent la moindre brèche pour fuir cette morosité.
Ailleurs, nos cadres sont bien respectés, bien payés, avec des moyens énormes mis à leur disposition. On ne fait pas cela pour des raisons personnelles, mais parce qu’on gagne beaucoup grâce à ces gens. Plus tard, et une fois l’intégration réussie, on leur offre ou on leur accorde facilement la nationalité. L’appartenance change de camp, et c’est tout à fait logique. Leur avenir, leur « nation », c’est là où on les traite à leur juste valeur. Ce n’est pas dans un environnement qui récompense les incompétents, les fainéants et les opportunistes.
Notre pays se vide de son intelligentsia et de ses forces vives devant un mutisme coupable des gouvernants. On ne fait rien pour retenir ces ressources humaines qui ont pourtant envie de servir le pays. Que dire alors des Tunisiens et des Tunisiennes installés à l’étranger et qui décident de rentrer, mais qui se heurtent à ce décor ridicule? L’exode se poursuit, en même temps, la médiocrité touche tous les secteurs. On est mal partis !